Il pouvait bien s'être écoulé une demi-heure, peut-être même une heure, - car je ne pouvais mesurer le temps que très imparfaitement - quand je levai de nouveau les yeux au-dessus de moi. Ce que je vis alors me confondit et me stupéfia. Le parcours du pendule s'était accru presque d'un yard; sa vélocité, conséquence naturelle, était aussi plus grande. Mais ce qui me troubla principalement fut l'idée qu'il était visiblement descendu. J'observais alors, - avec quel effroi il est inutile de le dire, - que son extrêmité inférieure était formée d'un croissant d'acier étincelant, ayant environ un pied de long d'une corne à l'autre; les cornes dirigées en haut, et le tranchant inférieur évidemment effilé comme celui d'un rasoir. Comme un rasoir aussi, il paraissait lourd et massif, à partir du fil, en une forme large et solide. Il était ajusté à une lourde verge de cuivre, et le tout sifflait en se balançant à travers l'espace. Je ne pouvais pas douter plus longtemps du sort qui m'avait été préparé par l'atroce ingéniosité monacale. […] j'étais donc voué, - et cette fois sans alternative possible, - à une destruction différente et plus douce. - Plus douce! J'ai presque souri dans mon agonie à la singulière application que je faisais d'un pareil mot. Que sert-il de raconter les longues, longues heures d'horreur plus que mortelles durant lesquelles je comptai les oscillations vibrantes de l'acier? Pouce par pouce, - ligne par ligne, - il opérait une descente graduée et seulement appréciable à des intervalles qui me paraissaient des siècles, et toujours il descendait, - toujours plus bas, - toujours plus bas!

Le puits et le pendule, Nouvelles Histoires Extraordinaires, Alain Edgar Poe

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