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LE PROJET: Dialogue des Cultures dans un jardin de sourds
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par Karim Al-Dahdah
A l'initiative de l'Atelier de Recherche de l'Alba, le Centre Culturel Francais est le théâtre pendant toute la durée du mois d’octobre, d’une exposition des plus particulières. Intitulée "Dialogue des Cultures dans un Jardin", cette exposition rassemble une série d'installations  visuelles et / ou sonores, réalisées par seize étudiants de l'Alba, toutes disciplines confondues, sous la libre supervision de leurs enseignants et fondateurs de l’Atelier, Pierre Hage-Boutros, Rana Haddad et Gregory Buchakjian.
Les installations reprennent donc dans leur majorité la rhétorique du “Dialogue des Cultures” chère au Sommet de la Francophonie reporté. En fait, la thématique est surtout explorée à contre-courant, puisqu’il s’agit surtout ici de non-dialogue, ou plutõt d’un dialogue de sourds. l’accent est mis sur un concept plus que jamais d’actualité: celui d’une humanité mondialisée traversée par des flux et des courants d’être et d’action si divers, imprévisibles, et contradictoires, qu’ils en deviennent assourdissants. Aliéné, saturé, l'homme se retrouve face à deux choix: le repli sur soi dans un silence figé, à l’image de cette “oreille émettrice” muette, sorte de structure cubique géante aux allures de tympan, ou, au contraire, entrer dans le jeu, et se perdre dans la masse bruyante  et monocorde, en devenant l’un de ces “Bugs”, petits insectes mécaniques vibrant à l’unisson en une cacophonie imperceptible. Le vide par le plein ou le plein par le vide, au choix. Et dans les deux cas, la déshumanisation. 
Car il s’agit bien d’une perte de l’humain en chacun de nous, et que rappelle cette série de postes qui enregistrent et reprennent à l’infini les propos des passants. Les fils éléctriques, écouteurs et autres puces éléctroniques semblent rebutantes au premier coup d’oeil, mais il s’en dégage une voix, un accent, une impression familière, une émotion, comme une dernière tentative de capter, et piéger une part d’humanité. Et toutes ces installations d'appréhender le   moment fatal ou "La bande continuera à se dérouler en silence", dans l'indifférence générale.
L’Atelier de Recherche de l'Alba se veut depuis 1997, un lieu d'expérimentation et de création, axé sur la réalité urbaine. En choisissant cette fois l'Espace des Lettres du CCF, il insiste sur la nécessité de ce lieu dans la promotion des valeurs d’échange humain, de respect de la différence, et de “Dialogue des Cultures”… dans le jardin planétaire uniforme qu’est devenu notre monde.
L’exposition de l'Atelier de Recherche est déroutante, dans son fond mais surtout dans sa forme. Les installations des étudiants se prêtent à diverses lectures, selon l’inspiration du visiteur curieux, et sa capacité à voir au-delà de ce qui lui est offert. Car le réel matérialisé par des objets n’est ici qu’une plate-forme servant à viser et vaquer l’irréel. Dans le domaine de la création contemporaine au Liban, si tel est qu’on puisse le nommer, l’Atelier de Recherche aura gagné la prime à l’innovation.
octobre 2001, tous droits réservés
ATELIER DE RECHERCHE ALBA FRANÇAIS ARABE ENGLISH
ACADÉMIE LIBANAISE DES BEAUX-ARTS - UNIVERSITÉ DE BALAMAND 2001 - 2003