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"La
légende de Aïn Mreïssé |
De
nos jours encore, un étrange rituel a lieu tous les jeudis soir,
dans l’un des ports de Aïn Mreïssé, aujourd’hui asséché,
appelé Chourân. Un groupe d’habitants du quartier, toutes
confessions confondues, allument des cierges qu’ils piquent ensuite dans
un poêle à charbon. Puis adressent une pensée, une
prière, à la «Reïssé». Non, il ne
s’agit pas d’un culte religieux, mais d’un rite qu’ils ont hérité
de leurs ancêtres. |
Car
l’histoire – ou la légende – remonterait à 700 ou 800 ans.
Un jeudi matin, les pêcheurs de la région trouvent dans le
port de Chourân une femme dans un état de fatigue extrême.
Une naufragée, unique survivante d’un bateau qui s’est échoué,
et dont l’équipage venait évangéliser l’Orient. C’est
ce qu’elle explique aux épouses des pêcheurs dépêchées
sur les lieux. |
Alors
que tout le monde s’empresse autour d’elle, la dame voit, au loin, une
lumière qui clignote. Elle se lève et marche vers cette source
lumineuse, qu’elle interprète comme un signe divin. Suivie par tous,
elle arrive devant une source près de laquelle les pêcheurs
avaient allumé des cierges, car ils considéraient que la
source était bénite. La dame décide de vivre là
et demande à ce qu’on lui construise une cabane. En échange,
elle propose aux habitants d’apprendre à lire et à écrire
à leurs enfants. Les pêcheurs, qui se surnommaient entre eux
Reyyes (chef) la baptisent Reïssé. Avec le temps, la source
devient Aïn el-Reïssé – puis, par déformation,
Aïn Mreïssé – en souvenir de cette dame si bonne, qui
faisait – paraît-il – des miracles et qui continue d’en faire. |
Aujourd’hui
encore donc, chaque jeudi, quelques habitants perpétuent ce rite
hérité de leurs ancêtres. Par ailleurs, le 4 août
de chaque année, ils organisent une grande cérémonie
à l’occasion de la fête de la Reïssé. Jusqu’à
ce que, l’an dernier, la municipalité leur interdise de célébrer
cette fête..." |
Natacha
SIKIAS, L'Orient le Jour, 22 mars 2001 |
Cet
extrait d'article est basé sur les propos recueillis par l'Atelier
de Recherche ALBA lors du projet Théâtre de Beyrouth, fevrier-mars
2001. |